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SURRÉALISME ARTISTE: VICTOR BRAUNER

andré bretonVictor Brauner est né en 1905 à Pietra-Naemtz en Roumanie. Dès son enfance passée à Bucarest, il est plongé dans les mystères du spiritisme dont ses parents sont fervents. 
En 1924, il organise sa première exposition dans la capitale rou­maine et présente au publie Le Christ au Cabaret et Fille à la Fabrique qui ne manquent pas de faire scandale. Il fait la rencontre du poète Ilarie Voronca avec qui il se lie d'amitié et fonde la revue 75 HP dans laquelle il publie Le Surrationalisme et Manifeste de la Picto-poésie. Pendant la période dada, Brauner collabore à la revue Unu mais ne prend jamais une attitude anti-art. En 1925, il peint La Ville médiumnique et se rend à Paris où il ren­contre Brancusi, Tanguy et Giacometti.

Acolo 1949

Breton nous raconte, dans le Premier Manifeste du Surréalisme, comment il fut amené à procéder à ses premières expériences. Un soir, avant de s'endormir, il eut la sensation d'entendre, bizarrement articulée, cette phrase étrange qui "cognait à la vitre":"Il y a un homme coupé en deux par la fenêtre". Et il explique: 
Tout préoccupé que j'étais encore de Freud à cette époque et familiarisé avec ses méthodes d'examen que j'avais eu quelque peu l'occasion de pratiquer sur des malades pendant la guerre, je résolus d'obtenir de moi ce qu'on cherche à obtenir d'eux, soit un monologue de débit aussi rapide que possible, sur lequel l'esprit critique du sujet ne fasse porter aucun jugement, qui ne s'embarrasse, par la suite, d'aucune réticence et qui soit aussi exacte­ment que possible la "pensée parlée". Il m'avait paru, et il me paraît encore - la manière dont m'était parvenue la phrase de l'homme coupé en témoignait - que la vitesse de la pensée m'est pas supérieure à celle de la parole, et qu'elle ne défie pas forcément la langue ni même la plume qui court. C'est dans ces dispositions que Philippe Soupault à qui j'avais fait part de ces premières conclusions, et moi nous entreprîmes de noircir du papier, avec un louable mépris de ce qui pourrait s'ensuivre littérairement. La facilité de réalisation fit le reste. 
A la fin du premier jour, nous pouvions nous lire une cinquantaine de pages obtenues par ce moyen, et commencer à comparer nos résultats. Dans l'ensemble, ceux de Soupault et les miens présentaient une remarquable analogie: même vice de construction, défaillances de la même natu­re, mais aussi, de part et d'autre, l'illusion d'une verve extraordinaire, beaucoup d'émotion, un choix considérable d'images d'une qualité telle que nous n'eussions pas été capables d'en préparer une seule de longue main, un pittoresque très spécial, et, de-ci de-là, quelques propositions d'une bouffonnerie aiguë. 
Les seules différences que présentaient nos textes me parurent tenir essentiellement à nos humeurs réciproques, celle de Soupault moins sta­tique que la mienne et, s'il me permet cette légère critique, à ce qu'il avait commis l'erreur de distribuer en haut de certaines pages, et par es­prit, sans doute, de mystification, quelques mots en guise de titre. Je dois, par contre, lui rendre cette justice qu'il s'opposa toujours, de toutes ses forces, au moindre remaniement, à la moindre correction au cours de tout passage de ce genre qui me semblait plutôt mal venu. En cela certes, il eut tout à fait raison.

dessin andré breton

C'est de cette première expérience de l'automatisme qu'André Breton devait tirer la définition du surréalisme: 
SURREALISME, N. M. Automatisme psychique pur par lequel on se propose d'ex­primer soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonc­tionnement de la pensée. Dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. 
ENCYCL. Philos. Le Surréalisme repose sur la croyance à la réalité supérieure de certaines formes d'associations négligées jusqu'à lui, à la toute puissance du rêvé, au jeu désintéressé de la pensée. Il tend à ruiner définitivement tous les autres mécanismes psychiques et à se substituer à eux dans la résolution des principaux problèmes de la vie. 
André Breton et Philippe Soupault entreprirent donc de rédiger le premier texte purement automatique, les Champs Magnétiques, dont ils nous donnent la recette: 
Faites-vous apporter de quoi écrire après vous être établi dans un lieu aussi favorable que possible à la concentration de votre esprit. Placez-vous dans l'état le plus passif ou réceptif que vous pourrez... Ecrivez vite sans sujet préconçu, assez vite pour ne pas retenir, pour ne pas être tenté de vous relire. La première phrase viendra toute seule, tant il est vrai qu'à chaque seconde il est une phrase étrangère à notre pensée consciente qui ne tend qu'à s'extérioriser. 
Voici un extrait de ces Champs Magnétiques dont "chaque chapitre n'avait d'autre raison de finir que la fin du jour où il était entreprit" et dont "seul le changement de vitesse ménageait des effets un peu différents". 
Le lac qu'on traverse avec un parapluie, l'irisation inquiétante de la terre, tout cela donne envie de disparaître. Un homme marche en cassant des noisettes et se replie par moments sur lui-même comme un éventail. Il se dirige vers le salon où l'ont précédé les furets. S'il arrive sur la fermeture, il verra des grilles sous-marines livrer passage à la barque de chèvrefeuille. Demain ou après-demain, il ira retrouver sa femme qui l'attend en cousant des lu­mières et en enfilant des larmes. Les pommes véreuses du fossé, l'échec de la mer Caspienne usent de tout leur pouvoir pour garder leur poudre d'émeraude. Il a les mains douloureuses comme des cornes d'escargot, il bat des mains devant lui. Tout l'éclairé de son raisonnement tiède comme un corps d'oiseau à l'agonie; il écoute les crispations des pierres sur la route, elles se dévo­rent comme des poissons. Les crachats de la verrière lui donnent des frissons étoilés. Il cherche à savoir ce qu'il est devenu, depuis sa mort. 
Dans le chapitre intitulé Barrières, Breton et Soupault appliquèrent pour la première fois le procédé de l'automatisme au dialogue où chaque interlo­cuteur devait poursuivre "simplement son soliloque sans chercher à en tirer un plaisir dialectique particulier et à en imposer le moins du monde à son voisin." Voici ce que cette méthode pouvait donner comme résultat: 
- 0n m'a parlé d'un restaurant luxueux où les mets les plus divers sont apportés. Il y a des dessous de plats à musique, des carafes à deux becs, des verres à pied et une magnifique porte d'entrée.
- Les plus magnifiques portes sont celles derrière lesquelles on dit: "Ouvrez, au nom de la loi!"
- Je préfère à ces drames le vol silencieux des outardes et la tragédie familiale: le fils part pour les colonies, la mère pleure et la petite soeur pense au collier que son frère lui rapportera. Et le père se réjouit intérieurement parce qu'il pense que son fils vient de trouver une situation.
- J'ai été recommandé dès mon très jeune âge à un animal domestique et pourtant j'ai toujours préféré à la chaleur de sa langue sur ma joue une petite histoire des temps passés.
- Du bout des lèvres on peut boire cette liqueur verte mais il est de meilleur ton de commander un tonique. 
Laissons aux surréalistes le soin de conclure: 
Ceux qui possèdent, au sens freudien la "précieuse faculté" dont nous parlons, s'appliquent à étu­dier sous ce jour le mécanisme de l'inspiration et à partir du moment où l'on cesse de la tenir pour une chose sacrée, et que tout à la confiance qu'ils ont en son extraordinaire vertu, ils ne songent qu'à faire tomber ses derniers liens et - ce qu'on n'eut encore jamais osé concevoir - à se la soumettre... Nous la reconnaissons sans peine à cette prise de possession totale de notre esprit... à cette sorte de court-circuit qu'elle provoque entre une idée donnée et sa répondante... 
En poésie, en peinture, le Surréalisme a fait l'im­possible pour multiplier ces courts-circuits. Il ne tient et ne tiendra jamais tant qu'à reproduire artificiellement ce moment idéal où l'homme, en proie à une émotion particulière, est soudain empoigné par ce "plus fort que lui" qui le jette à son corps défendant dans l'immortel. Lucide, éveillé, c'est avec terreur qu'il sortirait de ce mauvais pas. Le tout est qu'il n'en soit pas libre, qu'il continue à parler tout le temps que dure la mystérieuse sonnerie: c'est en effet par où il cesse de s'appartenir qu'il nous appartient. 
Ces produits de l'activité psychique... aussi allégés que possible des idées de responsabilité toujours prête à agir comme freins, aussi indépendants que possible de tout ce qui n'est pas la vie passive de l'intelligence, ces produits que sont l'écriture automatique et les récits de rêves, présentent à la fois l'avantage d'être seuls à fournir des éléments d'appréciation de grand style à une critique qui, dans le domaine artistique se montre étran­gement désemparée, de permettre un reclassement général des valeurs lyriques et de proposer une clef qui, capable d'ouvrir indéfiniment cette boîte à multiple fond qui s'appelle l'homme , le dissuade de faire demi-tour, pour des raisons de conservation simple, quand il se heurte dans l'ombre aux portes extérieurement fermées de l'au-delà, de la réalité, de la raison du génie et de l'amour.

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